PORTRAIT

ARCHIPEL

 

Depuis près de vingt ans, unis par ce qui les sépare, Deprick et Maniaque marchent à la complémentarité. Un fonctionnement dont ils connaissent bien les mécanismes : curiosité, ouverture, audace, dynamisme, éloge de la différence, plaisir de la rencontre, goût du partage … en réalité, ils font bien plus que de l’architecture. Car c’est souvent hors champ que les choses se passent.

Ils n’ont que deux choses en commun : leur origine normande et leur volonté de porter haut la barre architecturale. Philippe Deprick a fait ses études à Rouen, commence à travailler chez Bouygues en tant que maître d’oeuvre avant d’être embauché par l’architecte amiénois François-Xavier Legenne chez qui il passe neuf ans. Là, il rencontre Jean-Louis Maniaque qui, après quelques mois chez Jean Nouvel, est parti dix-huit mois au Japon dans l’agence de Toyo Ito. En 1998, ils fondent leur agence à Amiens. Depuis, ils font la paire, fidèlement soutenus par leur collaborateur Pierre Hénon, le « pilier originel ». « Nous avons des itinéraires et des caractères très différents, mais nous considérons que la différence est une chance et qu’elle enrichit. Cela nous a obligés à un peu d’humilité : nous avons dû reconnaître chacun nos faiblesses mais nous savons qu’elles sont compensées par les forces de l’autre. Nous sommes ainsi soudés par cette complémentarité et une ambition commune. »

Dans le centre historique d’Amiens, l’agence est logée au rez-de-chaussée de l’hôtel particulier du xviiie siècle dit Blin de Bourdon.

Apporter une valeur ajoutée
Leur ambition ? Dès le départ, ils misent sur la qualité architecturale et les commandes publiques. La qualité ? Tiens donc, quel architecte oserait dire qu’il ne la cherche pas ? En l’occurrence, elle passe ici par la réflexion, le sens, car Deprick et Maniaque sont des architectes qui pensent : chaque projet est un investissement en matière grise. « Nous consacrons du temps pour répondre à la question posée, nous vérifions les données dont nous disposons, nous rencontrons les acteurs concernés, nous nous informons… Nous considérons qu’un architecte n’est ni un exécutant du programme ni un simple constructeur : son rôle est d’apporter une valeur ajoutée dès la conception en proposant des variantes sur l’implantation, le fonctionnement, la qualité d’usage… » Forts de ces ambitions, ils répondent à un premier concours… le gagnent et accumulent depuis les références de natures et d’échelles très diverses, le plus souvent en Picardie, car ils tiennent à suivre personnellement les chantiers. N’hésitant pas à modifier un programme, un emplacement ou un plan attendus, ils visent toujours le meilleur parti possible, privilégiant ici les vues ou l’inscription du bâtiment dans le paysage, soulignant là une déclivité et l’ouverture sur l’horizon…

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Ouverture sur le monde
Associés à Toyo Ito en 2005, ils gagnent le concours international du FRAC Picardie… qui ne sera jamais construit, suite à l’abandon du projet par le maître d’ouvrage. Bien qu’elle ne se soit pas matérialisée, cette première collaboration en annonce d’autres. Contactés par des agences japonaises, allemandes, espagnoles, l’agence Deprick et Maniaque se jumelle ponctuellement, toujours intéressée par ce nouveau champ des possibles qu’offre la complémentarité des expériences. L’occasion, dès lors, de répondre à des concours pour lesquels ils n’ont ni références ni spécialisations techniques, mais une très bonne connaissance du territoire, cette fertilisation croisée évitant aux uns comme aux autres des parachutages douloureux. Ils démarrent à Amiens le chantier d’un laboratoire de recherche dédié au stockage électro-chimique de l’énergie.
Guère épargnée par cette période difficile, réduite à son noyau dur, l’agence Deprick et Maniaque tient le cap avec 18 chantiers en cours, certes de petite échelle : « Ce ralentissement nous donne l’occasion de prendre le temps, de mettre de la profondeur dans ce que l’on fait. Tout est bon pour s’ouvrir à de nouvelles opportunités de multiplier les chances et surtout de le faire avec plaisir ! Nous profitons de cette période de crise pour réfléchir, prendre du recul et travailler autrement. »

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Seul plan en épis de la consultation, les 96 logements sociaux de la résidence Frémaux ouvrent l’ilôt sur le quartier.

Réalisée au printemps 2014, cette plateforme habitable est le fruit d’une collaboration avec l’architecte japonais Kinya Maruyama et une association de réinsertion.

 

Texte : Delphine Désveaux

Retrouvez la suite du portrait dans le n°69 d’ArchiSTORM