Construire en creux en milieu urbain dense

« Le Campus de l‘Aqueduc incarne la vision de Crédit Agricole Immobilier de développer des projets aux polarités multiples. C‘est un exemple remarquable de la nouvelle génération de campus tertiaires, qui se dresse comme une référence urbaine à la périphérie de Paris. »
Valérie Wanquet, Directrice Générale, Crédit Agricole Immobilier

« Ce campus est bien plus qu‘un simple bâtiment. Il incarne nos ambitions environnementales. Ses labels et certifications en témoignent, notamment HQE niveau « Excellent », BREEAM « Very good », OsmoZ, WiredScore « Gold », BiodiverCity, E+C- : niveau E2C1, et BBCA Neuf « Standard ». »
Ghislaine Seguin, Directrice Générale Déléguée, Nexity Immobilier d’Entreprise

Devant l’entrée principale, la rue des Aqueducs va être aménagée par le territoire, avec une grande promenade cyclable arborée. C’est dans cette continuité paysagère que Martin Duplantier, architecte, et Anouk Debarre, paysagiste, imaginent une rue intérieure généreusement plantée. L’ADN de l’agence est de travailler autant le projet architectural que le projet paysager. Cette rue se glisse au cœur du bâtiment en reliant la rue des Aqueducs à l’ouest à l’avenue Lénine à l’est. Les concepteurs la baptisent : la venelle. Accessible aux vélos qui peuvent emprunter la généreuse rampe de 4 mètres de large pour accéder aux parkings en sous-sol, elle peut être traversée en journée par les piétons, habitants ou travailleurs du quartier.

Le volume du bâtiment a été travaillé en creux afin de générer de grandes porosités, en lien avec la ville. Martin Duplantier d’expliquer : « Au nord le long de la rue Paul-Vaillant-Couturier, nous avons retissé un maillage viaire et doux qui débouche sur le parvis puis la venelle qui traverse le projet. Au sud, ce sont les patios qui dialoguent avec les logements existants. La figure urbaine du projet repose sur des percées visuelles et des ponts à l’image de l’aqueduc. L’ensemble de l’opération a été pensée en fonction de son rapport à la ville et s’y intègre grâce à cette porosité à la fois est-ouest et nord-sud. » Par ailleurs, le PLU imposait une limite constructive à R+5 mais l’épannelage des étages en recul sur la rue des Carrières au sud répond surtout au front bâti existant qui monte à plus de R+7. Pour Yehudi Morgana, architecte en charge du suivi de chantier, « c’est ce qui permet d’intégrer un bâtiment aussi grand et volumineux de manière aussi délicate dans la ville ».

Pour pénétrer dans le bâtiment, les trois halls d’accueil se développent en double hauteur et ont été conçus selon des identités spécifiques, inspirés des codes hôteliers, personnalisés par des œuvres d’art intégrées et des espaces multi-services. Martin Duplantier les a souhaités « cosy et lumineux, pour donner envie de s’y attarder ». L’architecte d’intérieur François Champsaur a imaginé de grands voiles ondulés en plâtre, travaillés à la main pour donner une légère texture subtilement révélée par la lumière naturelle. De grandes arches en bois de chêne et un sol en terrazzo viennent agrémenter l’ensemble.

« Aqueduc possède une double matérialité, en pierre calcaire et aluminium anodisé, qui renvoie à une dualité assumée : celle d’être à la fois ancré dans l’histoire d’un site au croisement des flux parisiens, et d’être aussi porté par le large et le grand paysage » estime Martin Duplantier. Les façades extérieures font partie du registre de la ville. Les architectes ont opté pour un aluminium anodisé, recyclé à 40 %. Alors que côté rue, les parties pleines bénéficient d’ouvrants et de vitrages fixes, selon une trame classique de 135 cm, permettant à chaque bureau de posséder sa fenêtre, côté patio, les ouvrants sont plus grands et ont des garde-corps intégrés. « Nous souhaitions avoir deux atmosphères en façade, un dedans et un dehors, différents et marqués, dont les qualités varient. Étant donné la taille du bâtiment, ces variations d’ambiances amènent des identités tout au long du parcours, et permettent également de se repérer dans le complexe » explique le concepteur. Au sein des deux patios, les façades intérieures se revêtent d’un béton teinté dans la masse, de couleur ocre. « Dès qu’il y a un rayon de soleil, une lumière chaude vient inonder les jardins et rappelle presque le climat du sud de la France. Cette nuance orangée, complémentaire du vert, met en valeur la végétation » s’enthousiasme Yehudi Morgana. Les choix architecturaux deviennent le fond de scène des arbres et fleurs choisis par Anouk Debarre, qui sont ainsi magnifiés en toute saison.

D’un point de vue constructif, l’opération est composée de voiles et planchers en béton armé. En effet, la superstructure repose sur une ossature constituée de poteaux, poutres, voiles percés, dalles en BA coulées sur prédalles et des planchers en dalles alvéolaires préfabriquées. Le contreventement est assuré par les voiles en béton des circulations verticales ainsi que par les « voiles percés » des façades. L’implantation des poteaux est pensée pour respecter une grande souplesse d’aménagement des locaux, tant en configuration de plateau libre qu’en cloisonnement traditionnel. Seul le bâtiment-pont est en structure métallique : les 18 mètres de portée nécessitaient des éléments plus légers permettant de conserver des vues dégagées depuis les bureaux.

Réinventer l’immeuble de bureaux

Réinventer le bureau aujourd’hui n’est pas chose aisée. La pandémie a rebattu les cartes et bouleversé le rapport entre temps présentiel et télétravail. Comment attirer davantage les salariés sur place alors qu’il peut être si facile de rester chez soi ? La réponse réside sûrement dans la qualité des espaces, la générosité des volumes et l’offre de services. Des éléments qu’un logement ne peut égaler. Porteur d’une image innovante, le projet Aqueduc est un ensemble immobilier tertiaire mettant en œuvre le bien-être au travail et les nouveaux modes de travail collaboratif.

Le campus est pensé pour recevoir plusieurs milliers de collaborateurs. La capacité maximale d’occupation des surfaces affectées à l’usage de bureaux a été établie pour un effectif de 3 300 personnes. Dans les étages, les plateaux d’une grande flexibilité sont pensés comme une extension naturelle des services et favorisent les différents modes de travail et d’occupation. Ainsi, les plateaux de bureaux répondent aux meilleurs standards internationaux en matière de confort, ergonomie et design intérieur. Ils sont modulaires et se prêtent à de multiples configurations où chaque poste de travail individuel profite d’une lumière naturelle. Volontairement ouverts et lumineux, les espaces de travail sont majoritairement en premier jour (plus de 86 % de la surface). Ces grands plateaux de bureaux s’étendent sur 7 000 m2, selon un ratio de 10,5 m2 par personne et avec une hauteur sous plafond de 2,70 mètres.

Selon Martin Duplantier, « Aqueduc, c’est d’abord un projet en phase avec son temps et avec son site : c’est un morceau de ville, où l’espace de travail s’ouvre sur des services, des loisirs et des espaces publics majeurs ». L’opération se développe sur un rez-de-chaussée actif, cinq étages et deux niveaux de sous-sol. « Rien ne manque, et cela fait toute la différence. » Le slogan de Crédit Agricole Immobilier et Nexity résume bien le parti pris d’allier bureaux et services attractifs afin de proposer une offre complète aux utilisateurs du site. Et c’est ce qui fait la marque de fabrique de ce projet avec de nombreux lieux communs, de rencontre, de relaxation, d’activité sportive, etc. Le rez-de-ville du campus est intégralement dédié aux services, et s’ouvre activement sur l’espace public grâce à une programmation publique : plus de 4 000 m2 sont dévolus à un restaurant de type « néo cantine » accessible à tous, un restaurant d’entreprise traditionnel et une cafétéria (874 places assises), à l’auditorium et l’espace de coworking, à la salle de fitness et l’espace bien-être. Et c’est sans compter les quatre jardins de 2 500 m2 en plus des 1 200 m2 de terrasses accessibles et du rooftop avec vue panoramique sur la ville.

Le parti pris paysager

« Nous avons donné un caractère particulier à chaque vide, à chaque jardin. »
Anouk Debarre, paysagiste

Au nord, le Jardin Anglais se compose d’un grand escalier végétal invitant à la descente. Là, un pin existant sur le site a pu être conservé. D’est en ouest, la grande venelle paysagère s’ouvre sur un parvis le long de la rue des Aqueducs et se poursuit sur une centaine de mètres au cœur du bâtiment. En plein soleil, des essences méditerranéennes se côtoient, comme des figuiers, des lauriers-roses, etc., capables de résister à de fortes températures. La promenade continue avec des végétaux plus friands de fraîcheur : une bétulaie formée d’un ensemble de bouleaux, une bambouseraie, des rhododendrons et des azalées, et enfin des érables du côté de l’avenue Lénine à l’est. Les tableaux végétaux ainsi formés se découvrent au fil de la balade des piétons ou du parcours des usagers du campus. Ils s’accompagnent d’un parcours de l’eau, en référence à l’aqueduc, avec une première fontaine, sèche et minérale, d’où partent de fins filets d’eau. Au milieu de la venelle, le Jardin d’Hiver forme un point central au sein du projet. Lieu de convivialité et d’échanges à l’abri des intempéries, il constitue une source de bien-être pour ses occupants. Au sud-ouest, le Jardin des 4 Saisons se développe autour de la présence d’eau, en son centre. Dans un circuit fermé, l’eau va apparaître avant de disparaître plus loin. Anouk Debarre, paysagiste, a tiré profit de deux zones ensoleillées pour réaliser un potager avec choux, rhubarbes, fenouils. Les légumes étant à disposition du restaurant public, en circuit très court. Au sud-est, le Jardin Pittoresque fait référence à l’époque des jardins « anglais » de la fin du XVIIIe siècle, plus en relief et naturel que le jardin à la française. Ce patio a une échelle plus intime avec des buttes végétalisées et des bancs à l’ombre de grands arbres : un zelkova, des saules blancs, un sorbier des oiseleurs, un cyprès chauve. Dans les creux, l’eau peut stagner et attirer insectes et oiseaux afin de favoriser la biodiversité, à l’aide de milieux secs et de milieux humides.

Extraits d’interview Martin Duplantier, Architecte fondateur de Martin Duplantier Architectes et cofondateur de Debarre Duplantiers Associés

Quelles ont été les principales contraintes urbaines auxquelles vous avez été confrontés ?

L‘enjeu du projet repose sur le fait de construire 40 000 m. sur une petiteparcelle et sans avoir l‘impression d‘un bâtiment mastodonte. C‘est pour cela qu’à partir du R+3, en accord avec le PLU local, il y a un épannelage des étagesjusqu‘au R+5. Grâce à ces volumes en retrait, l’édifice paraît assez bas depuis la rue. À cela s’ajoute l’impossibilité de réaliser plus de 25 mètres de façade linéaire, ce qui a entraîné des variations, des plis dans l‘enveloppe permettant d’éviter un front urbain trop frontal et radical sur la ville. Ainsi, le bâtiment devient poreux et invite à le traverser.

Sur la parcelle voisine, on a un ensemble de maisons et d’immeubles faubouriens, en plus d‘anciennes halles industrielles réaménagées en logements, lofts et bureaux, en cœur d’îlot. Nous avons décidé de coller le bâti à la limite séparative pour garder le maximum de place sur la parcelle et pouvoir y intégrer du paysage. La venelle paysagère qui traverse le projet est abritée par trois ponts structurellement renforcés, de 18 mètres de long. Il a fallu concevoir une structure cintrée en acier précontraint ; une fois les poutres assemblées, c’est le poids de l‘ensemble qui vient asseoir la structure, sans aucune reprise dessous. Le passage, sans poteau, reste libre pour les piétons et usagers. La sous-face des ponts est filante et confère une impression de suspension, presque de légèreté.

Extraits d’interview Thomas Péridier, Directeur de la Promotion Tertiaire, Crédit Agricole Immobilier

Comment répondre aujourd‘hui aux enjeux environnementaux de plus en plus imposants et nécessaires dans le domaine de la construction ?

C‘est une question essentielle à laquelle nous avons répondu avec d‘importants objectifs en matière de labels et certifications. Le Campus de l‘Aqueduc a notamment obtenu HQE Excellent, BREEAM Excellent, WiredScore niveau Gold, le label OsmoZ sans oublier qu‘il est BBC. Nous avons poussé tousles critères le plus haut possible. Mais au-delà des labels, ce qui est surtout important à mon sens, c‘est de construire un bâtiment qui va avoir une durée de vie qui va dépasser les quinze ou vingt ans par sa qualité de conception, la structure de son bâti et la réversibilité de ses espaces.

Extraits d’interview Philippe Piot, Directeur de programme, Nexity

Que retiendriez-vous de ce projet en termes de conception, de technicité et de rapports humains ?

Nous avons eu d’excellents échanges avec les architectes, les bureaux d’études et l‘assistant à la maîtrise d‘ouvrage HQE en phase conception. Cette synergie nous a permis de développer un véritable Campus avec des labels et cibles très ambitieux.

Comment répondre aujourd‘hui aux enjeux environnementaux de plus en plus imposants et nécessaires dans le domaine de la construction ?

Savoir se réinventer et oser de nouvelles techniques de conception et de réalisation afin de réduire notamment l‘empreinte carbone de nos projets.

Fiche technique :

Localisation : 161 avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94250 Gentilly (Val-de-Marne)
Programme : Bureaux, commerces et services (restaurant d‘entreprise, salle de gym, auditorium, cafétéria, espace de coworking, etc.)
Maîtrise d’oeuvre : Martin Duplantier Architectes, Debarre Duplantiers Associés Architecture & Paysage, BE Bourgois, Artelia Bâtiment et Industrie, CEEF, CUBE. (BET VRD), Greenaffair, Systal (BET Cuisine), BTP Consultants (Bureau de contrôle), Batiss
Maîtrise d‘ouvrage : Crédit Agricole Immobilier, Nexity
Surface : 40 000 m2
Performances environnementales : HQE Bâtiment Durable Niveau Excellent, BREEAM International New Construction Niveau Very Good, Label WiredScore Niveau Gold, Label E+C- Niveau E2C1, Label BiodiverCity, Label BBCA, Label OsmoZ

Texte : Laurie Picout
Photos : Yohan Zerdoun, Juan Jerez

— retrouvez l’article dans Archistorm 126 daté mai – juin 2024