RÉALISATION

CAMPUS ORANGE, LYON, PART-DIEU
HARDEL LE BIHAN ARCHITECTES
HGA-HUBERT GODET ARCHITECTES

Avec le Campus Orange dans le quartier lyonnais de la Part-Dieu gagné après l’appel à projets lancé par l’opérateur de télécommunications éponyme, Pitch Promotion conquiert une place d’importance dans le cercle des professionnels si l’on prend en compte la conduite de ce projet marathon entre 2012 et 2020 : de la première esquisse à la livraison, de la conception sur invitations de trois agences d’architectes avec la volonté de réunir les finalistes – HGA-Hubert Godet Architectes et Hardel Le Bihan – faute de pouvoir les départager à la négociation avec la puissance publique, de la gestion du chantier à la relation avec l’utilisateur… Plus qu’un siège emblématique avec son volume collinaire couronné par une cinquième façade originale avec ses terrasses-jardins, Pitch Promotion avec Orange participe à la co-conception d’un morceau de ville avec la puissance publique – Métropole de Lyon, Ville de Lyon, Société Publique Locale Lyon Part-Dieu – à travers la création d’une rue, de bureaux, de logements, et d’espaces publics.

Entretien avec Valérie Thérond, directrice d’Orange Grand sud-est

Quelles sont les raisons qui expliquent ce nouveau siège régional ?
À travers sa stratégie immobilière, Orange affirme une volonté forte d’ancrage dans le territoire, volonté valable en ville comme en milieu rural. Très attaché à cette présence territoriale, Orange est de fait soucieux de ses implantations. À Lyon, plusieurs raisons justifient la création d’un nouveau siège ou plutôt d’un nouveau campus – le Campus Orange Lumière – dans le quartier très attractif de la Part-Dieu, le deuxième site tertiaire en France après La Défense. Depuis les années 70, cet opérateur de télécommunications dispose d’une implantation dans ce quartier avec le centre Lacassagne, bâtiment historique et technique, infrastructure indispensable liée au cœur du réseau. La première raison réside dans l’existence d’un foncier conséquent qui autorise une valorisation à travers une opération immobilière dédiée au résidentiel. La seconde raison vise à rassembler les équipes lyonnaises d’Orange sur quatre sites seulement – dont le campus – contre dix-neuf… Cette diminution du nombre de sites s’inscrit pleinement dans le projet de l’entreprise…

… justement, quel est-il ?
Il marque la volonté de regrouper les équipes dans le respect de schémas directeurs territoriaux destinés à optimiser les implantations sur un secteur donné. Cette stratégie immobilière nationale débouche sur le regroupement des activités et des équipes. Décidé dans les années 2014-2015, le schéma lyonnais trouve sa matérialisation avec le Campus Orange Lumière composé du site de Lacassagne et des étages loués dans la tour Sky 56 en face. La visibilité de la présence d’Orange prévaut également avec, si possible, l’implantation d’un beau bâtiment dans un bel endroit. Avec le site Lacassagne, Orange dispose d’un espace central et magnifique au cœur d’un quartier en renouveau, au cœur d’un nœud de communications avec la gare de la Part-Dieu et des lignes de tramway.

La dimension ressources humaines est centrale.
La dimension RH est visible dans l’accompagnement. Il s’agit d’offrir de belles conditions de travail aux salariés, de leur donner accès à des espaces totalement en phase avec les nouvelles méthodes de travail… L’espace est flexible par définition et s’adapte aux différentes conditions de travail. Le salarié doit être bien sur son lieu professionnel. Telle est la volonté d’Orange traduite par ces espaces dits collaboratifs, ces espaces plus isolés, ces espaces de bien-être réservés à la restauration et à la détente, le tout dans un cadre très agréable avec un recours maximal aux outils du numérique les plus innovants.

Comment vous organisez-vous ?
Sur le site Lacassagne recomposé, Orange rassemble tous les métiers techniques autour de la conception, de l’exploitation, et de l’entretien des réseaux, au service de l’entreprise de taille importante, hors PME. Sky 56 en vis-à-vis du campus, séparé de ce dernier par le paysage de l’esplanade Nelson-Mandela, héberge les équipes de la direction régionale. Ces équipes sont amenées à travailler ensemble étroitement, comme les métiers du support informatique, par exemple : vous dirigez une boutique et vous disposez à votre côté du responsable du système de gestion informatique dédié !

Vous avez largement consulté les futurs occupants du site.
La conception via l’équipe projet s’est étalée sur deux ans environ jusqu’à l’aménagement selon une démarche excessivement complète. Pour chacun des métiers, chacune des organisations, des référents sont en charge de recueillir et de qualifier les besoins, et de valider l’organisation des locaux, l’implantation des équipements, et le regroupement des équipes avec l’assistance de Colliers International, société de conseil en immobilier d’entreprise. Ce recueil et cette transmission sont nécessaires pour la préparation des implantations de chacune des équipes. Dans la pratique, quelque 500 personnes ont participé pendant de longs mois à cette réflexion dans le cadre d’un aménagement dynamique soft pour utilisation multiple entre macro-zoning avec l’organisation de l’étage et la répartition des équipes, et micro-zoning avec l’organisation de chaque équipe et la place de chaque personne… Aux référents se sont ajoutés les managers, très impliqués eux aussi, en charge d’assurer le lien avec leurs équipes, de les accompagner, et de les informer sur les différentes avancées du projet. Au final, nous avons embarqué tout le monde grâce à une forte politique de communication avec des cafés-projets, une lettre d’information, des conférences, un étage témoin, du mobilier témoin, une formation aux nouvelles façons de fonctionner, etc. Certaines équipes sont même allées jusqu’à réellement travailler dans ces installations temporaires pour valider cette nouvelle organisation.

Entretien avec Johan Paul, directeur général de Pitch Promotion Rhône-Alpes

Avec Orange, vous remportez une réalisation d’une très belle envergure.
Exact ! Nous avons gagné des opérations de taille standard entre 5 000 et 10 000 m² maximum qui correspondent à la surface de la grande majorité des opérations lancées à Lyon et dans la région. Avec près de 26 000 m² de surface de bureaux neufs – sans oublier les 8 500 m² en rénovation de l’existant – et 160 logements, nous fortifions notre présence locale et régionale. Le Campus Orange est d’une taille banale en région parisienne, mais il fait partie des grandes opérations sur la métropole lyonnaise, dont on peut estimer le nombre à cinq, grand maximum, pendant cette même période. Avec ce projet, nous avons saisi l’opportunité de réaliser une opération d’envergure, emblématique et visible pour Orange, un utilisateur parmi les plus importants du quartier de la Part-Dieu.

Vous vous êtes confrontés à Icade, Sogeprom et UTEI. Comment analysez-vous votre succès ?
Nous avons prouvé notre légitimité à travers nos capacités, notre motivation et notre savoir-faire pendant les deux années de la négociation avec Orange. Nous avons toujours joué la force de propositions – comme avec un immeuble de grande hauteur en contraste avec la masse horizontale du central existant – toujours apporté des idées et des solutions, et sans doute accepté des risques que d’autres n’ont peut-être pas pris… Finalement, nous avons proposé trois offres, au choix. Ces échanges ont permis à Orange de passer d’une simple interrogation sur la valorisation foncière du site Lacassagne à une réflexion élargie plus stratégique avec la constitution d’un siège lyonnais destiné à regrouper près d’une vingtaine d’autres sites. Nous avons démontré notre capacité à nous attaquer à tous les types d’opérations. Aurions-nous été interrogés sur la transformation de l’ex-siège de la Caisse d’Épargne à la Part-Dieu – 31 000 m² mixtes, tertiaire et résidentiel sur une conception Sou Fujimoto, Atelier Dream, et exndo – sans avoir la référence du Campus Orange ? Je n’en suis pas sûr…

L’appel à promoteur gagné, sur quels critères avez-vous sélectionné les agences d’architecture admises à concourir ?
Nous avons répondu favorablement à la demande de la SPL Lyon Part-Dieu d’organiser un concours réduit à trois candidats seulement pour plus de rapidité et de simplicité. Parce qu’ils nous ont accompagnés sur la phase de consultation, il était normal de retenir Insolites Architectures. Le choix de HGA-Hubert Godet Architectes et de Hardel Le Bihan est le fruit des attentes des partenaires – Pitch Promotion, Orange, la SPL Lyon Part-Dieu, l’AUC… – en matière conceptuelle et de discussions au cours desquelles chacun a mis en avant sa sensibilité et ses attentes.

Comment avez-vous désigné le vainqueur ?
Nous avons sélectionné deux finalistes. Pour résumer de façon très caricaturale, Hardel Le Bihan a joué avec le Plan Local d’Urbanisme avec un immeuble iconique en croix alors que HGA a plutôt travaillé sur le front bâti. Le jury composé d’acteurs privés et publics, avec chacun ses préférences et sa vision relative à l’urbanisme, l’usage, l’architecture, etc. n’a pu se rassembler sur un consensus. Nous avons alors pris le risque d’inviter ces agences à travailler ensemble, sans les avoir consultées au préalable… et ce fut une belle association !

Comment en êtes-vous arrivés avec Orange à signer un Projet Urbain Partenarial avec la Métropole de Lyon, la ville de Lyon, et la SPL Lyon Part-Dieu ?
La construction du siège d’Orange a accéléré la réalisation d’aménagements urbains publics dans lesquels il devait s’insérer : redressement de la rue Flandin, réalisation d’un parvis urbain, sorte de continuum entre l’espace public et l’entrée du siège avec son agora, poursuite de l’esplanade paysagée Nelson-Mandela.

Entretien avec Hubert Godet, architecte-fondateur, et Élodie Vuarchet, architecte-associée de HGA, Mathurin Hardel et Cyrille Le Bihan, architectes-fondateurs-associés de Hardel Le Bihan

Comment avez-vous réagi à la demande de co-conception, faute de pouvoir vous départager ?
Hubert Godet : Nous avons pris acte de cette association et travaillé en toute simplicité, en bonne intelligence, comme souvent le font les architectes familiers de la maîtrise d’ouvrage privée. Nous avions le caractère pour travailler ensemble et faire passer le développement du projet, considéré comme une richesse, avant tout.

Quels sont les points forts de votre projet ?
Élodie Vuarchet : Nous avons travaillé à l’échelle du quartier de la Part-Dieu dans une mixité urbaine et architecturale. L’enjeu consistait à implanter le projet par rapport au bâtiment existant. Nous avons effectué un travail de recherches volumétriques, sculpturales et pris le parti d’entourer le central téléphonique. Nous avons plié, chanfreiné les masses jusqu’à obtenir une architecture collinaire capable de conserver la lisibilité du central téléphonique. L’objectif étant la qualité d’espaces intérieurs pour chacun des plateaux, les formes architecturales devaient maintenir un apport de lumière généreux et créer des vues pour les collaborateurs travaillant dans les extensions neuves comme dans le central téléphonique (sur lequel nous ne sommes pas intervenus). La définition de la trame de façade et de sa couleur est un autre point important. Elle se décline en caissons en creux, rigoureusement tramée, mais subtilement décalée à chaque niveau pour obtenir une lecture cinétique lointaine. La couleur, nacrée, se rapproche du parement brique du central téléphonique et rappelle la Tour Part-Dieu.

H.G. : C’est avant tout une identité forte marquée par l’écriture de la façade, sa couleur et par les terrasses végétalisées. C’est également une implantation qui a permis de multiplier les orientations de façades sur rue. L’ensemble des « facettes » ouvertes sur l’espace public vibre de nuances variées à chaque heure du jour avec la lumière. C’est aussi un concept fonctionnel et rationnel : le parti structurel retenu a permis de libérer des espaces de travail lumineux, de proposer des étages tous différents et une grande flexibilité. De larges terrasses, comme lieux de convivialité, sont positionnées à chaque extrémité des plateaux de bureaux.

Cyrille Le Bihan : Le nouveau siège instaure un dialogue avec la Ville (avec le maillage du réseau viaire, le parc) tout en valorisant le central téléphonique existant, son exosquelette singulier notamment. Le projet s’inscrit complètement dans l’esprit de la vision urbaine de l’AUC pour le quartier de la Part-Dieu : relevé des éléments intéressants hérités des années 1960, 1970 et 1980, volonté de mettre en scène une certaine esthétique des bâtiments, respect de l’essence du quartier tout en tentant d’en corriger certains défauts.

Mathurin Hardel : Le central appartient à un patrimoine industriel esthétiquement marqué mais très intéressant. Il est l’œuvre d’André Gutton qui en a construit un second quasi identique à Clamart cette même année 1972. Nous y trouvons une source d’inspiration pour innover architecturalement, sans imitation ni pastiche, avec deux bâtiments particulièrement contextuels qui entrent en résonance avec l’existant. Le socle actif se traduit par une double hauteur et une trame élargie à rez-de-chaussée. À l’intérieur, la création d’une grande rue abritée, ou « agora », permet de relier les trois bâtiments, d’accéder aux noyaux de circulations menant aux étages ainsi qu’au restaurant et aux jardins du rez-de-chaussée. Parcourir cette colonne vertébrale aide à sentir l’esprit Campus et la volonté d’offrir du « collectif » aux salariés d’Orange. Sur chaque versant, aux extrémités des plateaux de bureaux, les terrasses étagées génèrent des espaces extérieurs paysagers qui ouvrent des vues exceptionnelles sur le grand paysage de la métropole lyonnaise. Elles apportent en outre de la valeur d’usage en offrant des espaces de liberté et une alternative aux déplacements entre niveaux.

Fiche technique

Maîtrise d’ouvrage : ORANGE, Siège régional
Promoteur : PITCH PROMOTION
Maîtrise d’Oeuvre : maîtrise d’œuvre : HARDEL LE BIHAN ARCHITECTES (Thomas Bosi et Raoul Collados, chefs de projet) ET HGA-HUBERT GODET ARCHITECTES ; maître d’œuvre d’exécution / OPC : BUILDERS & PARTNERS
Paysagiste : BASSINET TURQUIN PAYSAGE
BET : fluides : TEM PARTNERS ; structure : RBS ; HQE et économiste : ILIADE INGÉNIERIE ; VRD : SOTREC ; façades : ARCORA ; conception lumière, éclairagiste : STUDIO VICARINI ; cuisine : BET GAURY ; acoustique et vibrations : LASA ; monitoring bruit et vibrations chantier : LASA ; BIM Manager : SYNTESIA ; hydrogéologue : ANTEA ; méthodes : BINOME
Entreprises : Macro-lot clos couvert : EIFFAGE CONSTRUCTION CONFLUENCE ; macro-lot électricité : ROIRET ÉNERGIES ; macro-lot CVC/PB : SPIE BATIGNOLLES ÉNERGIE PATRICOLA ; lot ascenseur : OTIS ; lot VRD : STAL ; lot menuiseries intérieures bois : SUSCILLON ; lot cloisons doublages, peintures, faux-plafond : ERCP ; lot planchers techniques : GAMMA INDUSTRIES ; lot sols souples : TAPIS FRANÇOIS ; lot sols durs : TRADI CARRELAGES ; lot cuisine : MARTINON ; lot espaces verts : ESPACES VERTS DES MONTS D’OR ; lot cloisons amovibles : CLESTRA ; géothermie : RÉSURGENCE
Surface : 26 000 m² SDP
Bugdet : 52 M€ (y compris travaux preneurs)
Certifications : NF HQE Bâtiments Tertiaires Neufs niveau excellent et Effinergie +
Livraison : juillet 2020

Texte Pierre Delohen
Photo Renaud Araud

Retrouvez l’article dans Archistorm daté novembre-décembre 2021