RÉALISATION

FOYER-LOGEMENT, MONTREUIL
MOONARCHITECTURES
COALLIA HABITAT

Il aura fallu la détermination d’un architecte expérimenté, Guillaume Hannoun (MoonArchitectures), et d’une maîtrise d’ouvrage engagée, COALLIA Habitat pour mener à bien la réalisation de ce foyer-logement à Montreuil. Sur un terrain réquisitionné par l’Etat suite à la fermeture du foyer historique de Bara, cette opération a défié l’urgence en misant sur la construction modulaire sans jamais sacrifier l’esthétique.

Construite en moins d’un an, cette opération exemplaire témoigne de la possibilité de répondre autrement aux situations d’urgence et augure de nouvelles façons de faire dans un monde qui change.

QUITTER BARA

À Montreuil, le projet répond avant tout à une problématique : comment loger une population de 250 personnes dont la résidence a été classée en état d’insalubrité, et ce, le plus rapidement possible ? Un contexte singulier, celui de l’urgence, mais également empreint d’une certaine forme de déracinement pour les résidents.

En 1968 à Montreuil, un ancien entrepôt de fabrication de pianos est transformé pour accueillir une population de travailleurs migrants. Initialement prévu pour une capacité de 205 personnes, le foyer accueillera finalement 410 résidents dans un contexte de crise du logement. Déclaré insalubre, celui-ci a fermé définitivement ses portes en novembre 2018 pour être démoli et reconstruit. La livraison du futur bâtiment est actée pour 2022. Parce qu’il était impossible de reloger tous les résidents de Bara immédiatement, plusieurs sites de desserrement ont été choisis en attendant la fin du chantier de reconstruction. En octobre 2018, le terrain de la rue Brulefer fut réquisitionné par l’État pour une utilisation temporaire par le biais d’un permis de construire précaire. Une convention d’occupation est alors signée avec l’EPFIF (Établissement public foncier d’Île-de-France), propriétaire du site et acteur majeur de la lutte contre le logement indigne. Ce qui signifie, sauf vents contraires, qu’il faudra un jour restituer cette parcelle et démonter ce qui a été construit. Vierge, le terrain n’a pas nécessité de démolition, mais un nettoyage en profondeur au regard des terres polluées qui s’y trouvaient.

La population qui s’est installée rue Brulefer est exclusivement composée d’hommes maliens. Des hommes seuls et isolés. Ce foyer-logement accueille une population de travailleurs migrants installée à Montreuil depuis longtemps. Des travailleurs pauvres, en situation précaire, qui, malgré leur salaire, peuvent seulement prétendre à une place dans une chambre partagée en foyer-logement. Des travailleurs jeunes mais aussi retraités, tous attachés, d’une manière ou d’une autre, à Bara. Une démolition, même d’un édifice très vétuste, même assortie d’une future reconstruction, n’est jamais facile à accepter pour ceux qui y ont passé plusieurs années de leur vie. Aussi un déménagement, même pour y trouver de meilleures conditions, reste une affaire délicate où il faut savoir faire preuve d’une grande humanité. Dans cette opération, l’architecture fut un véritable levier pour témoigner de l’attention que l’on porte à ces parcours de vie chaotiques.

Mais sans maître d’ouvrage éclairé et compétent, difficile d’arriver à ses fins. Depuis plus de 50 ans, Coallia Habitat s’engage et agit en faveur des publics vulnérables, migrants, réfugiés, demandeurs d’asile, mineurs isolés, personnes âgées ou en situation de handicap. Rue Brulefer, Coallia Habitat et MOON ont poursuivi un but commun, s’engageant au quotidien et sans relâche pour réaliser ce projet dans un contexte aussi complexe que particulier.

LA QUALITÉ ARCHITECTURALE COMME FIL CONDUCTEUR

Postulat de départ : il s’agit de reloger des habitants de façon provisoire. Était-ce une raison pour sacrifier la qualité architecturale ? À cette question, Guillaume Hannoun a immédiatement répondu par la négative. Parce que cette exigence de qualité est fondamentale, parce que l’on ne sait jamais combien de temps le provisoire va durer. Même pour quelques mois ou quelques années, faire l’économie de la qualité architecturale n’est pas acceptable. Rue Brulefer, Guillaume Hannoun a donc fait de la qualité architecturale un cheval de bataille, comme dans tous ses projets. Bien que possiblement démontable pour s’établir sur un autre terrain, le projet est d’abord et avant tout envisagé comme un bâtiment pérenne.

Il y avait évidemment urgence à reloger tous ces habitants qui avaient quitté Bara. De plus, Coallia n’étant pas propriétaire du terrain, le cahier des charges exigeait une construction démontable et réversible. Cette urgence impliquait de fait un temps de chantier réduit au maximum, une condition qui a dicté le principe constructif retenu par Guillaume Hannoun. Parce qu’il semblait nécessaire de « faire image », que l’opération ne soit pas identifiée comme précaire et reste qualitative, le choix s’est porté sur l’utilisation d’un système constructif modulaire en bois. Ce n’est pas une construction au rabais qui est ici proposée, mais une architecture belle et digne. L’urgence n’hypothèque pas le souci de la qualité architecturale et ce malgré un coût encadré. Car bien évidemment, le budget alloué à ce type d’opération est toujours frugal. L’industrialisation permet ainsi une optimisation des coûts et offre une réponse adaptée. D’autant plus que le système constructif est aujourd’hui bien difficile à déceler tant les qualités d’exécution et esthétiques de cette opération sont remarquables. Un pari qui n’était pourtant pas remporté d’avance. Si elle est communément admise dans les pays anglo-saxons notamment, la construction modulaire souffre encore de nombreux a priori en France, souvent assimilée à de l’architecture au rabais. Pourtant, qu’il s’agisse du respect des normes thermiques, acoustiques, de la réglementation incendie, de la garantie décennale, tout est scrupuleusement maîtrisé au même titre que pour un bâtiment pérenne. Quant à l’exigence esthétique, elle est notamment résolue rue Brulefer par la mise en place d’une alternance élégante de bardages bois et métal qui apportent une touche qualitative dans ce tissu industriel existant. (…)

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Fiche technique

Maîtrise d’ouvrage : COALLIA Habitat
Maîtrise d’œuvre : moonarchitectures
Surface : 3625 m²
Livraison : août 2019
Coût : 5,35 M€

Texte La rédaction
Photos Axel Dahl

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le Foyer-Logements à Montreuil par MoonArchitectures et Coallia Habitat dans Archistorm daté janvier-février 2021