« Le parti pris général s’applique à créer un écrin pour les usagers, une protection par le bâtiment pour obtenir un cœur d’îlot protégé et agréable, ensoleillé en journée. Ceci en évitant le côté monumental, atténué par des courbes et des facettes en façades. »
Luc Maes, architecte associé gérant, Groupe MAES Architectes Urbanistes

Genèse d’un centre urbain en ville nouvelle

Née en 1970 de la fusion des trois villages d’Annappes, d’Ascq et de Flers-lez-Lille, Villeneuve-d’Ascq répond à la nécessité de doter d’un cadre urbain l’expansion vers l’est de la métropole lilloise. De 1969 à 1983, le développement de la ville est confié à l’établissement public d’aménagement de Lille-Est (EPALE). Dans l’objectif d’ériger un véritable centre urbain au cœur de cette ville nouvelle, la commune prend aujourd’hui part à un projet d’aménagement appelé Grand Angle, porté en partenariat avec la Métropole européenne de Lille (MEL). Première pierre angulaire de ce projet urbain, la Move Factory, érigée dans le quartier de l’hôtel de ville sur un terrain situé entre le Forum des sciences et le boulevard du Breucq, devient le nouvel immeuble signal de cet environnement urbain.

Un premier concours lancé par la MEL, propriétaire de la parcelle, se voit remporté en 2014 par l’équipe composée d’ADIM Nord-Picardie, avec l’agence MDRDV comme maître d’ouvrage. Le projet ne trouvant pas preneur, ADIM fait le choix de concevoir un second programme, dessiné par l’agence Maes Architectes Urbanistes dès la fin de l’année 2017. Une fois le bail signé avec l’entreprise Mobivia, souhaitant réunir en un pôle unique l’ensemble de ses collaborateurs, le projet se voit adapté pour répondre à leurs attentes. Après la validation du permis de construire, déposé en mai 2018, le chantier débute en septembre 2019 pour une livraison en février 2022. À la suite de quoi, les preneurs aménagent leurs espaces, inaugurés en septembre 2022.

L’édifice accueille désormais le siège social du groupe Mobivia, acteur de référence des nouvelles mobilités. Ce site, bâti en plein cœur de ville, devient un incubateur d’entreprises et de start-up engagées dans le développement de solutions des nouvelles mobilités. L’immeuble de 18 000 m2 accueille près de 1 400 collaborateurs et entrepreneurs européens experts dans ce domaine. Au sein de cet ensemble s’instaure ainsi une micro-urbanité propice aux rencontres et à la mixité.

Dessin d’une volumétrie influencée par le contexte urbain

Le dessin de l’agence Maes tient compte des enjeux urbains posés par le projet Grand Angle.
Le principe général est d’ouvrir la volumétrie vers le centre-ville, tout en protégeant le site des nuisances extérieures. Le projet divisé en trois entités indépendantes offre à chacun des bâtiments sa propre autonomie en matière d’accès. Des halls distincts permettent d’accueillir les futurs locataires de chaque plateau. Pour autant, Mobivia fait le choix d’ouvrir le site par deux entrées. Une entrée principale, via le haut porche au niveau du boulevard Van-Gogh, puis une seconde marquée par l’emmarchement qui mène vers le centre-ville et le métro.

L’édifice interagit avec son environnement urbain via quatre interfaces distinctes selon les orientations. À l’est, du côté du périphérique, le bâtiment s’érige en symbole fort pour marquer l’entrée de la ville, alors qu’à l’ouest, face à l’hôtel de ville et à la sortie du métro, un évasé accompagne naturellement le piéton arrivant par les transports en commun. Sur la façade sud longeant le boulevard Van-Gogh, un large porche dessiné telle une herse ouverte marque l’entrée principale. Cette aile, plus basse, laisse pénétrer la lumière naturelle dans le cœur d’îlot. Au nord enfin, une ceinture paisible de verdure marque l’interface avec l’hôtel mitoyen.

La force du plan masse tient à son parvis traversant et accessible au public en journée. L’implantation en U de trois tours reliées par des ailes permet de créer un cœur d’îlot, en écrin acoustique et végétal, dont la grande transparence participe de la perméabilité de l’édifice. Cette percée permet une porosité visuelle et une fluidité dans l’édifice tout comme dans le quartier urbain. La grande place, ouverte à l’ouest, accueille naturellement les flux de piétons acheminés par la douceur évasée du bâtiment. Une continuité visuelle et de parcours s’instaure par un revêtement de sol identique depuis le centre urbain jusqu’au cœur d’îlot.

Photo © Fernando Javier Urquijo

Extraits d’interview
Vincent Beaucamp, directeur, ADIM Nord-Picardie

Comment le projet de la Move Factory est-il né ?

Nous remportons en 2014 le concours lancé par la MEL, alors propriétaire de ce foncier idéalement situé entre l’hôtel de ville et le long du boulevard de Breucq, un axe de transport et de connexions important.
Pour répondre à l’enjeu de requalification de cette nouvelle entrée de ville, nous avons développé un premier projet architectural fort, qui malheureusement n’a pas pu voir le jour.
Un nouveau projet a donc été réalisé, nommé Open’R car très ouvert sur l’extérieur, et réfléchi du point de vue de son impact environnemental, conçu en porte-drapeau de notre savoir-faire en la matière. Ce projet a trouvé preneur au gré de rencontres : le groupe Mobivia, qui était à la recherche d’un siège social permettant de réunir l’ensemble de ses collaborateurs et d’ouvrir un pôle d’excellence autour de la mobilité. Open’R devient ainsi la Move Factory. […]

Rythme des façades aux reflets irisés

Le bâtiment, travaillé sous trois entités reliées par des ailes, joue sur la variabilité de hauteurs et les altimétries. Pour éviter une impression de massivité, le plan suit des lignes courbes et des accidents, rompant ainsi la monotonie. Plusieurs biais et décrochés visuels ponctuent le parcours. Des facettes créées en façade permettent d’atténuer la masse monumentale. Le crénelage dessiné en couronnement unifie l’ensemble. Un bardage d’aluminium habille les façades porteuses en voiles béton avec percement en baies régulières. Les fenêtres placées en retrait par rapport au bardage se superposent par couple afin de renforcer l’effet de verticalité.

En tout, plus de 9 km de bardage forment une enveloppe au design contemporain, jouant sur les effets visuels de la cinétique. La façade s’inscrit dans la palette colorimétrique imposée par la Ville, soit un camaïeu d’ocre beige et de teintes bleutées. Le socle se distingue par un bardage en cassettes métalliques alors qu’un bardage irisé en fixations apparentes habille les étages. Un original bardage irisé apporte un effet cinétique. Cet effet visuel résulte de l’application de trois couches de couleur dans les teintes brun clair et bleu grisé. L’apparence du dégradé change selon les orientations et la luminosité du jour. Le piéton ou l’automobiliste longeant l’édifice le voit ainsi changer de teinte au fur et à mesure de son parcours. Par son camaïeu mouvant, la façade apporte du rythme au bâti tout comme à l’échelle urbaine du quartier qu’il a pour vocation d’animer. En contraste, les ailes se détachent par un bardage plus neutre et mat, légèrement grisé, s’effaçant par rapport aux tours.

Confort et performance

La distribution, conçue selon une approche modulaire, s’adapte facilement aux évolutions possibles des modes de vie et de travail. Dans un esprit de réversibilité, les trois bâtiments initialement conçus, puis réunis en une seule entité par Mobivia, peuvent retrouver leur indépendance. Les 18 000 m2 de bureaux agencés en salles collaboratives se composent de plateaux tertiaires flexibles et d’un espace de travail collaboratif proposant 390 postes. La structure de poteau-poutres en béton présente plusieurs dalles alvéolaires permettant de réduire le nombre de piliers pour créer cinq zones de plateaux libérées de toute structure. Repartis à chaque niveau, de nombreux points de rencontre ponctuent les lieux pour favoriser l’interaction entre les différents plateaux. Dans un souci de mixité sociale, des ateliers de formation, de recherche et développement s’installent aux rez-de-chaussée et des commerces sont implantés le long du boulevard Van-Gogh.

La Move Factory s’inscrit dans une démarche écologique et environnementale forte. Une vaste surface de panneaux photovoltaïques recouvre la toiture de l’immeuble, aspirant à l’exemplarité en matière de performance énergétique et de certifications. Grâce aux équipements de production d’énergie, le bâtiment s’inscrit dans une démarche de labellisation Bepos Effinergie 2017 – soit E3C1. Il intègre la performance énergétique en incluant des équipements de production d’énergie pour répondre à la réglementation RT-40%. L’édifice reçoit également le label BREEAM Excellent.
La totalité du bâtiment, amplement aéré, jouit de terrasses végétalisées, d’un jardin orné et d’un toit-terrasse. L’omniprésence de plantes et d’essences, choisies selon les conseils d’un écologue, répond aux exigences des certifications tout en menant à la mise en place d’espaces propices à la détente. En bordure de parcelle, du côté des boulevards, une ceinture de verdure offre une protection aux nuisances sonores de la ville et des boulevards tout comme aux vents dominants. À chaque étage, des terrasses végétalisées et accessibles offrent un accès extérieur. En toiture, les terrasses accessibles, aménagées avec du mobilier urbain, esquissent par leurs chemins une véritable promenade en hauteur, offrant une vue dégagée sur tout le paysage alentour.

Dessin du concept

Extraits d’interview
Luc Maes, architecte associé gérant, et Anne-Sophie Garbe, architecte associée gérante, Groupe MAES Architectes Urbanistes

Quels sont les principes structurants du dessin extérieur et intérieur de cet édifice ?

Luc Maes : Le parti pris général s’applique à créer un écrin pour les usagers, une protection par le bâtiment pour obtenir un cœur d’îlot protégé et agréable, ensoleillé en journée. Ceci en évitant le côté monumental, atténué par des courbes et des facettes en façades. Afin d’offrir un confort usager, nous avons recréé des espaces de verdure et des toitures-promenades permettant de relier les « tours » entre elles.

Anne-Sophie Garbe : À l’intérieur, nous avons réalisé des plateaux libres pour lesquels nous avons choisi sols et couleur des murs. Nous avons ensuite travaillé en partenariat avec Out Of Office, les architectes d’intérieur choisis par Mobivia. À réception de leur plan, pour faciliter le travail, nous avons agi en tant que conseillers afin de conserver les liens entre la façade et les cloisonnements, de même qu’une unité d’ensemble, l’unité entre l’intérieur et l’extérieur conçus en dialogue. […]

 

Texte : Pierre Delohen
Visuel à la une : Photo © Fernando Javier Urquijo

— retrouvez Move Factory, Villeneuve-d’Ascq, Groupe MAES Architectes Urbanistes dans Archistorm 120 daté mai – juin 2023 !