Ur, Mésopotamie © The JR James Archive, University of Sheffield

Le patio désigne un espace intérieur à ciel ouvert de plan carré au centre d’une habitation. Il est généralement bordé d’une galerie de circulation ouverte et joue un rôle de fonction et de représentation.

Attesté dès le IIIe millénaire à Ur, en Mésopotamie, son usage privé le distingue de la cour (le lieu de passage hybride servant de transition) et de la rue (l’espace public). La Grèce et la Rome antique adopteront également ce modèle, avec deux types d’espaces découverts : le péristyle et l’atrium des villas. De la même manière, la maison arabe traditionnelle (le riad) et la villa d’Espagne (le patio des habitations d’Andalousie ayant une identité propre) présentent les mêmes caractéristiques d’espace libre en cœur de construction. Ces édifices privés méditerranéens étaient alors dépourvus de fenêtres ou autres ouvertures donnant sur l’extérieur.

Le patio générait sur cet archétype de nombreux atouts de par les usages (espace extérieur d’agrément, place centrale dans la vie domestique), une qualité de vie (généralement central, il éclairait l’ensemble de l’habitat), un lien et une limite entre l’intérieur et l’extérieur, sans négliger ses qualités environnementales.

Entre deux, le vide 

Aujourd’hui, le patio prend différentes formes : cour, terrasse ou loggia. Bien souvent, il est un espace intermédiaire entre le lieu habité et le monde extérieur. Son usage étant toujours le même, il révèle dans l’architecture contemporaine de nombreux avantages : gagner de l’espace, préserver une intimité, faire pénétrer davantage de lumière naturelle…

Il peut à la fois réunir et séparer deux espaces. Il met à distance, tel un no man’s land, et en même temps il crée le lien. Il peut être un filtre, un séparateur utile et un unificateur discret.

À l’agence, nous accordons une importance certaine à cette notion de lien entre l’intérieur et l’extérieur. Du bâtiment à l’espace vide, ce lien est très fort ; il est, pour nous, un sujet de réflexion essentiel et quasi constant dans notre recherche.

Dans toutes les typologies programmatiques, le patio propose une relation avec l’extérieur tout en préservant une intimité, une protection physique ou, selon le choix des finitions, une possibilité de dissimuler. Cet espace « entre deux » recrée le lien avec la sphère publique aujourd’hui délaissée et convoque la transparence jusqu’à la rue.

La cour du mûrier à l’école des beaux-arts de Paris © Auteur Hermann Wendler

Usage libre, nouvel usage 

La démarche perpétuelle de notre atelier prend sens dans cette notion de sortir du cadre. En effet, un architecte se doit de penser le programme comme un état des lieux des besoins, puis d’en questionner les limites pour proposer plus dans une économie raisonnée. Le patio devient alors une réponse riche pour des usages multiples qui servent les usages et les usagers. L’individu s’approprie librement ce lieu jusqu’à lui attribuer une fonction et une identité propres : un espace de flânerie, de complot, d’adultère, un lieu de confession, le patio devient alors l’endroit où tout est possible.

Donner plus à l’usage et au bâtiment. Ces volumes libres sans but précis offrent ainsi beaucoup de souplesse, un endroit où nous ne dictons pas de loi d’usage. Une incarnation de la liberté.

Nous réinterrogeons l’objet architectural en composant avec le vide, générant des espaces nouveaux et différents en son périmètre, multipliant les usages et magnifiant des éléments architecturaux (une circulation verticale ou une coursive autour du patio, par exemple).

Lorsque nous pensons un projet, la réflexion est dictée dans un premier temps par une réponse cartésienne au programme. Une connexion fonctionnelle de rectangles qui correspondent à des surfaces et des circulations. Ensuite, on déplace, déforme, dilate ces formes qui créent des vides, des creux, une densité, une fluidité. C’est à ce moment précis que le patio naît. Il est important de préciser que ce geste n’est pas systématique, le patio « est » s’il est utile.

Il peut aussi trouver son sens dans la recherche d’une mise en scène de l’histoire d’un site : encadrer un arbre remarquable ou une sculpture naturelle du terrain pour en faire des objets de contemplation, donner à voir autrement.

Extension d’un complexe sportif, Vigneux-sur-Seine © Aconcept

Réinventer pour exister demain

Trois mille ans avant Jésus-Christ, la ville était très dense, elle offrait malgré tout une qualité de vie dans un contexte sanitaire rude et sous un climat contraignant.

La conception était façonnée par les éléments naturels : l’eau, le soleil, le vent ; la pensée était alors indissociable de l’environnement. En pensant avec ces éléments, nous pensons par le vide, à toutes les échelles — de la ville en passant par l’îlot jusqu’au bâtiment. Nous déclinons ensuite des entités spatiales selon la situation topographique et le climat. Prototype extraordinaire sans éléments techniques, le patio supplantait par le vide les éléments de fraîcheur ; sans ampoules, il générait la lumière et, sans traitement d’air, il ventilait.

Le patio est un élément atemporel et s’adapte aux situations contemporaines.

En le réinterprétant — tant sur l’existant que sur des constructions nouvelles —, nous fabriquons une nouvelle forme visant des performances via des moyens passifs et primaires.

Mini-jardins d’hiver ou d’été, espaces semi-extérieurs clos ou ouverts, ces surfaces et volumes permettent un traitement et une transition climatique entre l’extérieur et l’intérieur, maximisant le confort thermique et visuel, la ventilation naturelle, le rafraîchissement, limitant les surchauffes estivales en végétalisant, et ce jusqu’à offrir avec intelligence une solution de récupération et gestion des eaux pluviales.

Entre crises environnementale et sanitaire, il nous amène peut-être à penser notre conception architecturale et urbaine autrement, alliant écologie et économie.

Visuel à la une Bâtiment modulaire d’ateliers et de bureaux pour SNCF Eole, Mantes-la-Jolie © Aconcept

retrouvez la tribune libre de Frédéric Quevillon sur le Patio, dans Archistorm daté janvier – février 2022