TRIBUNE LIBRE

Quel cadre législatif pour renouveler notre cadre de vie ?

ARCHITECTURE STUDIO

 

Parce qu’ils façonnent notre imaginaire, parce que nous nous y épanouissons ou nous le subissons, les paysages de notre cadre de vie déterminent, en tout premier lieu avec le langage, notre culture. Urbains comme ruraux, ces paysages ne sont plus et depuis bien longtemps des paysages « naturels ». Ils sont le fruit du travail de générations successives et ont créé une culture plurielle propre, où les émotions individuelles et le sentiment de biens partagés occupaient une place essentielle.

Ils ont subi en l’espace de plusieurs décennies de profondes évolutions. Les résultats pour les territoires et les populations sont plus que mitigés. Ces changements ont brouillé le sentiment d’enracinement et de partage d’horizons communs. Crise des paysages et crise sociale sont, à l’évidence, liées. On ne se déploie pas ni se réalise pleinement dans un environnement chahuté de la sorte.

Au-delà d’un dessin unique illusoire du cadre de vie, un dessein de faire est nécessaire. Il n’existe pas une solution, une politique décisive ou un projet à jamais meilleur que l’autre mais le cadre législatif de sa réalisation reste le principal déterminant.

L’amoncellement récent des cadres juridiques et réglementaires s’est éloigné d’une réflexion sur une logique globale. Les transitions écologiques et numériques n’ont pas encore justifié une adaptation de ces moyens à la hauteur des enjeux. Parallèlement il n’existe pas vraiment de règles qui organisent la conception des espaces non construits urbain ou ruraux.

Le manque de culture urbaine, architecturale et écologique dans les processus de décision, et la confusion des rôles entre tous ceux qui interviennent dans la réalisation des espaces ont comme conséquences un évident appauvrissement de notre cadre de vie et de nos paysages.

Du fait de la perte d’une vision haute, les relations entre les différents acteurs (responsables politiques locaux, investisseurs, architectes, paysagistes, urbanistes, ingénieurs, constructeurs, etc.) sont devenues inutilement conflictuelles.

Pour transformer cette situation, un état d’esprit s’impose : croire que les évolutions de la société représentent de formidables opportunités, accepter ces évolutions sans se perdre, sans perdre le sens du bien commun et de la liberté d’entreprendre, concilier préoccupations durables et intérêts du moment, recréer une confiance entre les acteurs du cadre de vie et accepter de ne pas tout maîtriser.

Cette transformation doit favoriser l’innovation, moderniser les commandes publiques et privées et inventer la commande des espaces non construits.

La convocation d’ « États généraux du cadre de vie » serait sans doute un bon moyen pour mettre en mouvement tous les acteurs impliqués. Leur réussite suppose une unité de temps, de lieu et d’action pour une approche transversale, à la fois philosophique et technique, à même de donner du sens et de l’efficacité à l’action de l’État et des citoyens pour la structuration du territoire.

En ligne de mire de ces « États généraux du cadre de vie », des textes législatifs renouvelant les principes de subsidiarité adaptées aux différentes échelles, réorganisant les outils de maîtrise du cadre de vie, actualisant les rôles et missions des acteurs et clarifiant les pratiques en la matière dans l’Union Européenne.

Réussir à créer des lieux et des liens représente toujours une gageure. Surmonter cette difficulté n’est possible qu’en se questionnant sur ce que nous sommes, désirons partager aujourd’hui et transmettre demain à ceux qui habiteront nos paysages.

Auteur : Laurent-Marc Fischer, Architecte urbaniste – Associé d’Architecture-Studio