CHRONIQUE

RUBRIQUE SUR UN SUJET D’ACTUALITÉ PAR BERTRAND LEMOINE,

architecte, ingénieur et historien spécialiste de l’histoire et de l’actualité de l’architecture, de la construction, de la ville et du patrimoine au XIXe et XXe siècles.

Dix ans après son ouverture, la Cité de l’architecture et du patrimoine doit faire face à de nombreux défis, alors qu’une nouvelle présidence exécutive s’apprête à reprendre en main ses destinées. Imaginée en 1984 à partir d’une réflexion menée par l’IFA par Maurice Culot et d’autres sur la création d’un musée de l’architecture, relancée de 1998 à 2003 sous la houlette de Jean-Louis Cohen, ouverte en 2007 sous la présidence de François de Mazières, la Cité est venue concrétiser la demande exprimée dès 1969 avec la création de l’Institut de l’environnement pour une institution pérenne, susceptible de porter à la fois la mémoire de l’architecture, de soutenir la création architecturale contemporaine et la recherche historique et prospective tout en ouvrant cette discipline à un plus large public.

 

Galerie des peintures murales ©Cité de l’architecture & du patrimoine/DR 2.1. Exposition Architecture

Mais loin d’avoir trouvé son équilibre et faute d’avoir su conquérir un public suffisant, à la mesure de son site prestigieux sur la colline de Chaillot, son avenir reste suspendu à de difficiles réformes, que l’on n’a pu ou voulu réaliser. Un rapport de la Cour des compte publié en avril 2015 fait le tour des difficultés que traverse la Cité depuis déjà quelques années. Il ne va sans doute pas assez loin dans ses dix-neuf préconisations d’actions à mener à bien pour redresser la situation. La configuration malaisée des lieux, un public qui se limite à 300 000 visiteurs par an en 2016 – après un pic à 550 000 visites en 2015 –, des ressources financées pour l’essentiel par une contribution publique et insuffisamment abondées par des ressources propres, un statut administratif compliqué, des personnels sous statuts différents, et surtout un projet scientifique et culturel peu clair, tels sont les principaux maux dont souffre aujourd’hui la Cité.

 

En regardant de plus près la situation actuelle et les perspectives d’évolutions possibles, on peut proposer douze pistes de réflexion sur la politique culturelle, le contenu et la gestion de la Cité.

 

1- Les publics de la Cité sont pour le moins composites. Elle bénéficie d’un noyau dur de publics professionnels, architectes, métiers connexes, étudiants en architecture – qui composent par exemple l’essentiel du public de la bibliothèque –, amateurs éclairés. Mais le challenge offert par le prestigieux Palais de Chaillot de toucher un grand public au-delà des cercles confidentiels n’a été que rarement relevé, si ce n’est à travers quelques expositions à succès telles que le « Grand Pari(s) », « Archi & BD, la ville dessinée », « L’hôtel particulier. Une ambition parisienne » ou « Art Déco. Grandir en 1925 ». Il y a donc urgence à réorienter la politique culturelle de la Cité vers la conquête d’un public beaucoup plus large. Ce doit être une priorité, sinon nul besoin d’espaces si grands. La situation de la Cité, voisine de deux autres grands musées, ouvrant sur un parvis très fréquenté par les touristes, devrait aussi être un facteur d’attractivité pour un public touristique occasionnel.

 

2- Globalement l’activité de la construction au sens large représente en France quelque 10 % du PNB. Maitres d’œuvre, ingénieurs, techniciens, artisans, entreprises, industriels travaillent au sein d’un vaste et puissant secteur économique. Ce monde professionnel devrait se sentir chez lui à la Cité, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Ses centres d’intérêt ne sont pas nécessairement ceux des architectes ni même du grand public. Il faut aussi en tenir compte, ne serait-ce que dans le but d’élargir la base de visiteurs réguliers de la Cité.

 

Texte : Bertrand Lemoine

Image à la une : Cité de l’architecture & du patrimoine, vue du parvis ©Cité de l’architecture & du patrimoine/ph: Gaston Bergeret

 

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