CHRONIQUE

ARCHITECTURE/INGÉNIERIE

 

La perception d’une élégante virtuosité qui confère à l’espace toutes ses qualités

Puits de lumière. Toiture-plafond de la bibliothèque de l’Université Aalto d’Helsiniki

Le thème de cette chronique est né d’un voyage d’études à Helsinki[1] prolongé par un périple de quatre jours sur les traces d’Alvar Aalto. Parmi les 200 bâtiments que le plus célèbre des architectes finlandais a réalisés tout au long d’une carrière de plus de 50 ans, entre 1921, date à laquelle il se lance dans la vie active après des études d’architecture à l’université technique d’Helsinki, et son décès en 1976, certains témoignent en effet d’une attention évidente à la question structurelle.

La visite de l’auditorium de l’université d’Helsinki au second jour de notre voyage et la découverte du travail admirable de la structure de l’édifice devaient me convaincre du bien-fondé de mon sujet.

La découverte en suivant d’autres œuvres majeures d’Aalto telles que la Maison Finlandia (toujours à Helsinki), l’église de la Croix à Lathi, ou le fameux sanatorium de Paimio, renforçait ma conviction : un rapport étroit entre Aalto et ses partenaires ingénieurs avait dû exister. Cependant, cette conviction ne reposait pas sur la contemplation de prouesses techniques particulières, mais davantage dans la perception d’une élégante virtuosité qui confère à l’espace toutes ses qualités, tout en évitant une démonstration trop souvent bavarde.

 

Un dessin qui cache derrière une simplicité apparente des trésors d’ingénierie

Cette attention à la technique est évidente et largement documentée dans le travail de designer d’Alvar Aalto ; en particulier pour la conception de ses meubles, reconnaissables instantanément par le dessin des pieds dont les crosses de liaison avec les assises ou les plateaux cachent, derrière une simplicité apparente, des trésors d’ingénierie de la matière et de son façonnage[2]. On sait qu’Aalto a travaillé avec Otto Korhonen, directeur technique d’une petite fabrique de meubles, pour la mise au point de ces pièces qui sont devenues autant de standards du design contemporain.

En revanche, il me fut plus difficile d’identifier, dans le domaine du bâtiment, cette complicité que j’imaginais avec un ou plusieurs ingénieurs, à l’image des collaborations entretenues à la même époque en France entre des Gillet, Zehrfuss, Camelot ou Le Corbusier, et des ingénieurs tels que Bernard Laffaille, René Sarger, Nicolas Esquillan, Pier Luigi Nervi ou Jean Prouvé.

Des poteaux très élancés, dissymétriques et légèrement inclinés qui donnent à cet espace toute sa qualité architecturale

C’est le hasard d’une heureuse rencontre avec le directeur de l’hôtel de ville de Säynätsalo[3], Harri Taskinen, lequel m’a transmis une vingtaine d’articles sur le travail d’Aalto émanant de doctorants, qui m’a permis d’identifier les arguments susceptibles d’alimenter mon propos.

Détails de la charpente du plafond de la salle du conseil (Hôtel de Ville de Säy,ätsalo). 1949.

Et c’est avec le sanatorium de Paimio (1928-1933), qui conféra à Aalto, alors qu’il n’avait que 30 ans, la célébrité qui allait le porter toute sa vie durant, que je trouvai les premières traces d’une collaboration fructueuse avec un ingénieur, semble-t-il réputé à l’époque, Emil Henriksson. « Ce dernier avait étudié la technologie du béton armé en Allemagne au début des années 20, pays plus en avance dans ce domaine que la Finlande. Henriksson fut très actif dans la promotion de cette technique en écrivant des articles, donnant des conférences et mettant en pratique ses idées. Avant même Säyätsalo, Aalto et Henriksson avaient travaillé ensemble sur trois autres projet[4]. » (…)

Texte & Photos : Claude Labbé

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[1] Voyage d’études de l’association AMO, Architecture et Maître d’Ouvrage.
[2] Première utilisation du bois contreplaqué thermoformé.
[3] Réalisé par Aalto entre 1950 et 1952, l’hôtel de ville de Säynätsalo est une œuvre complexe où Aalto a puisé son inspiration, à la fois dans certains archétypes de l’histoire de l’architecture (curia romaine, campo de Sienne), et auprès des constructivistes russes, sans oublier l’influence vernaculaire et organique toujours présente dans son œuvre.
[4] Passage extrait d’un article écrit par l’architecte Marianna Heikinheimo et publié en mars 2012 sous le titre : « The reinforced concrete frame of the Paimio Sanatorium in the making ».