DOSSIER SOCIÉTAL

 

Multiplication d’ateliers participatifs, mise en place de la Haute Qualité d’Usage (HQU) depuis 2009, revendication de la prise en compte de « la qualité de vie » et « souci du bien être » dans les présentations de nombreuses agences d’architecture… L’usager n’a jamais été autant présent dans le discours porté par les protagonistes de la discipline. Toutefois, dès qu’est abordée plus spécifiquement la question de l’usage, sous l’angle du handicap, le rapport entre le bâti, sa pratique, ses concepteurs et les maîtres d’ouvrage se fait plus complexe. La législation à laquelle sont soumis les projets relève de demandes parfois contradictoires tandis que les passages en commission sont souvent vécus par les créateurs comme des procès en incompétence

Jusqu’à présent, il y a encore trop peu de demandes d’architecture comme support possible du handicap, de la part de la maîtrise d’ouvrage. Les commandes restent fonctionnelles et peinent à questionner ce que peuvent apporter la remise en cause d’un programme et la plasticité d’un projet dans l’accompagnement du handicap.

Qualité d’usage pour tous

Lorsque l’on évoque l’architecture et le handicap, l’idée généralisée renvoie de manière réductrice à l’ajout d’éléments posés sur les bâtiments, après édification, tels que des monte-charges, des rampes d’accès ou des barrières protectrices d’obstacles. Ces prothèses incongrues ont pour effet de stigmatiser encore plus le handicap et ne créent pas une œuvre architecturale cohérente. Pourtant l’architecte a beaucoup à apporter dans le champ élargi du handicap. Ainsi de la clinique de soins de suite et de rééducation à Champigny-sur-Marne (94) conçue par l’agence parisienne AZC avec ses angles arrondis et les grandes percées visuelles des salles de rééducation vers le jardin. L’atmosphère des lieux s’émancipe volontairement du vocabulaire des établissements médicaux pour évoquer celui des hôtels balnéaires invitant les patients, parfois gravement accidentés, à la détente. Pour le Foyer d’Accueil Médicalisé de Limay (78) ils ont dessiné une grande maison, ouverte et lumineuse, sachant par ailleurs préserver des espaces d’intimité malgré la dimension communautaire du lieu. La gestion des flux y est rationnalisée à l’extrême et décrit une boucle rendant l’espace le plus lisible possible pour les patients, ce qui par ailleurs facilite le travail des soignants : « Nous réfléchissons à tout ce qui peut apporter des qualités, explique Grégoire Zündel, co-fondateur de AZC avec Irina Cristéa, ces dernières profitent à tous, patients, soignants, visiteurs… »

Foyer d’Accueil Médicalisé (2008 – 2011) de Limay (78). Architecte : AZC architectes ©S.grazia

L’accessibilité programmée

Envisager comme une richesse, les normes liées aux handicaps et non pas comme une contrainte, est donc possible tel que le montre la posture de l’agence AZC. Les mentalités évoluent, notamment grâce aux échanges bénéfiques qu’impose la législation, permettant finalement de faire partager les réalités de chacun. En effet, le cadre bâti est soumis depuis le 11 février 2005 à la loi accessibilité. Dès lors, cette dernière prévoyait qu’à compter du 1er janvier 2015, tout établissement recevant du public (ERP) devait être accessible à tous, y compris aux personnes en situation de handicap, quel que soit leur handicap. La notion d’accessibilité signifie que chacun doit pouvoir entrer et sortir des édifices publics, mais aussi que les prestations fournies doivent être adaptées (achats, utilisation d’un site internet, formalités administratives…). Si l’on peut déplorer que cette loi dite « 2015 » n’ait pas été suffisamment suivie d’effets, elle représentait néanmoins une évolution notable dans sa formulation tel que l’exprimait alors dans le journal l’Humanité, Jean-Louis Garcia, Président 
de la Fédération des Associations pour adultes et jeunes handicapés (APAJH) : « La loi du 11 février 2005 pour   »l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » est une belle loi aux grandes ambitions. Elle succède aux lois du 30 juin 1975 qui étaient « en faveur des handicapés ». Ce changement de mots n’est pas qu’un jeu de vocabulaire. C’est la perspective qui est totalement changée ! En 1975, on mesurait les déficiences des personnes, en 2005, on évalue leurs potentiels. Le titre de la loi est révélateur de cette ambition républicaine. » Le 2 décembre 2016 se tenait le second Comité interministériel du handicap, lequel réaffirmait le caractère prioritaire de l’accessibilité des lieux publics, un enjeu essentiel tant il concerne l’ensemble de la société.

Texte : Sophie Trelcat

Visuel à la une : Clinique de Soins de Suite et de Réeducation (2009 – 2011) à Champigny-sur-Marne (94). Architecte : AZC architectes ©S.Grazia

Retrouvez cet article au sein d’ArchiSTORM #89 !