ARCHITECTURE D’INTÉRIEUR

DE L’ÉQUILIBRE ET DE LA GRÂCE
FABRIZIO CASIRAGHI

Par les temps qui courent, au fil des jours, de « nos » jours, rencontrons-nous si souvent ce charme indéfinissable que résume à lui seul le mot « grâce » ? À mon humble avis, de moins en moins. Alors, la grâce serait-elle en train de préparer sa sortie de notre vocabulaire ?

Dans le même registre, qu’en est-il du concept d’harmonie que définit le mot « équilibre » ? Survivra-t-il aux tempêtes des hommes et du temps présent, aux chaleurs écrasantes ?

En traversant les architectures d’intérieur conçues par Fabrizio Casiraghi, les sensations reviennent pourtant : le bien-être, le plaisir des yeux, la joie de se mouvoir en des lieux joyeux et durables, équilibrés et empreints de grâce. Certes, il s’agit de conceptions d’exception ! Mais rien de chargé : ces lieux sont aménagés sans que soient confondus le beau et l’opulence, la connaissance et la référence. La couleur parcimonieuse ! La texture chaleureuse ! La matière et le détail qui apportent tant ! L’objet historique riche de sa fonctionnalité plus que de ses dorures, de sa poésie plus que de son propre destin d’objet. Le juste assemblage.

Ainsi Fabrizio Casiraghi redonne l’espoir de lendemains pleinement créatifs et heureux. Il avance en architecture d’intérieur comme un chorégraphe. Si vous en doutez, alors convenez que s’il est en train de devenir le chouchou des magazines, ce n’est pas pour rien.

Existe-t-il une recette pour ce concentré de talent incarné par un seul homme, italien-parisien de surcroît ?

L’appartement des Invalides à Paris

La culture en héritage

Grandir dans une famille milanaise cultivée, curieuse, démocrate, chrétienne, portée par le goût du beau, écolo par défaut, échappe aux logiques pécuniaires les plus viles ; a contrario, cet univers favorable dont l’enfant se nourrit apporte des valeurs inestimables de savoir-vivre, de bien-être, de respect de l’entourage, doublées d’un sens aigu des réalités, car, oui, « le monde » reste imparfait.

Il semble que cette chance ait été celle de Fabrizio Casiraghi. Plus que l’héritage intellectuel d’un père travaillant pour le Corriere della Sera et d’une mère œuvrant dans le cadre universitaire, son grand-père politicien le connecte avec les enjeux du territoire, de l’urbanisme. Son arrière-grand-mère autrichienne, à laquelle est attaché un souvenir de maison de nombreuses vacances, influence son goût pour le style Sécession.

Énervé par l’état de délabrement de certains beaux lieux de vie qu’il a traversés, notamment lors de voyages en famille, il décide de s’orienter vers l’architecture, et effectue ses études au Politecnico di Milano. Fraîchement diplômé, inspiré par la culture française et le mythe parisien transmis par ses parents, il fait ses premières armes chez Dominique Perrault (à Paris). Puis, de retour en Italie, il intègre la plus célèbre fondation culturelle italienne, le Fondo Ambiente Italiano (FAI), et participe à la campagne de préservation de la Villa Necchi Campiglio. Alors que sa vocation, encore balbutiante, semblait le destiner à l’urbanisme et à l’architecture, au contact de la Villa Necchi il attrape le goût pour toute la typologie du détail. L’agence Dimore Studio qu’il intègre ensuite à Milan donne un écho à cette nouvelle appétence : ce sera l’architecture d’intérieur !

Nous arrivons déjà à l’année 2015, durant laquelle, à 30 ans à peine, il fonde sa propre agence à Paris, avec pour première commande la boutique de bougies Cire Trudon à New York. Certains attendent patiemment des mois, voire des années, avant la reconnaissance. Nous dirons que lui, non ! New York, la marque de luxe, c’était pour sa toute première fois ! (…)

Texte Anne-Charlotte Depondt
Photos Romain Laprade
Visuel à la une La boutique de bougies Cire Trudon à New-York

Retrouvez l’intégralité de la chronique Architecture d’intérieure sur Fabrizio Casiraghi dans Archistorm daté novembre – décembre 2020