Trois personnalités de l’architecture et du design se sont confiées à nous sur leur rapport à la matière et la façon dont ils l’exploitent, la louent, ou la transgressent.

Par Christine Blanchet

Anthony Béchu © D.R.

L’Université Mohammmmed-VI Polytechnique de Laâyoune © AAAB

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Antoine Béchu
Architecte
« Nous entrons dans l’économie de la connaissance, c’est-à-dire celle qui s’inspire de la nature et de ses cycles. La notion de matière ou de matériau est donc elle-même en pleine évolution, et doit suivre une logique d’économie circulaire que nous mettons au cœur de nos projets, pour les rendre durables et responsables, notamment en jouant avec les climats. Il s’agit quelque part de consommer ”plus de matière grise” pour consommer “moins de matières premières”. Le choix d’un matériau est donc à présent au cœur de l’intelligence collective, pour le bien de tous, et rend la matière grise primordiale pour les choix que l’on fait. Si je devais mettre un matériau spécifique en exergue, ce serait le bois, car il s’inscrit pleinement dans cette logique circulaire. Matière vivante, le bois s’utilise sous toutes ses formes et à toute échelle, en structure ou en revêtement. Si l’usage de l’acier et du verre a caractérisé la révolution industrielle, le bois est pour moi l’une des matières premières et identitaires du cycle du xxie siècle. Innovant, performant, et écologique, le bois est le système constructif de l’avenir. Il est particulièrement intéressant pour l’architecture de bâtiments à usage évolutif que nous concevons, et dont la ville durable a besoin. »

 

Inga Sempe © Marion Leflour

Lampes, Moustache, France, 2009 Courtesy Inga Sempe © D.R.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Inga Sempe,
Designer
« Mon point de départ est toujours l’usage d’un objet. La matière doit servir mon idée donc elle n’est jamais à la base du projet, excepté quand je suis contactée par une entreprise spécialisée dans un matériau, auquel cas je peux tout à coup me passionner pour un matériau et sa mise en œuvre alors qu’il m’était indifférent avant. J’éprouvais plutôt de la répulsion pour la céramique, mais quand une organisation japonaise m’a demandé de dessiner des pièces selon une technique ancestrale, suivie d’une collection de carrelage pour un industriel italien, j’ai viré de bord, et depuis, je m’y intéresse beaucoup. »

 

Matali Crasset © Julien Carreyn

One Piece, Bureau / Co-réalisation concrete LCDA & Domeau & Péres © Jean-Jacques Bernier

Matali Crasset,
Designer
« La question de la matière est rarement au cœur de ma démarche. Je ne pense pas dans une matière mais dans un contexte technique, local, social en précisant une intention avant tout. Le projet se développe avec l’ensemble de ces données.

Mon travail consiste de moins en moins à mettre en forme de la matière mais plutôt à faire émerger, à fédérer, à organiser, autour d’intentions et des valeurs communes, des liens et des réseaux de compétences, de connivence, de socialité. Je dessine des objets, mais les objets ne sont ni le centre, ni la finalité du processus de création ; ils en sont une actualisation possible parmi d’autres (une architecture, une scénographie, une exposition…) à un moment déterminé, relevant d’un système de pensée plus vaste.  »

 

Visuel à la Une : IS MUTINA Tratti © Alessandro Paderni, EyeStudio