« En architecture, il faut peu s’exprimer et garder de la retenue. » Cette phrase, prononcée par Jean Guervilly, résume la philosophie de l’agence. Considérant cette discipline comme une réponse à une problématique plutôt qu’une signature personnelle, Jean Guervilly milite pour une architecture simple et rationnelle.
L’originalité n’est donc pas une quête pour l’agence de Jean Guervilly et Françoise Mauffret, installée à Saint-Brieuc depuis 2000. Leur structure à dimension familiale reflète cette sobriété revendiquée, incarnée dans des projets épurés et durables, où priment la justesse des matériaux, la lumière et le respect du site. À travers une conversation sans détour, les architectes reviennent sur les réalisations les plus emblématiques, témoins de leurs principes architecturaux : une retenue assumée, un souci constant pour la lumière et une attention portée à l’intemporalité des bâtiments.
Une architecture en retenue
Pour Jean Guervilly et Françoise Mauffret, l’architecture doit avant tout être honnête et sans artifice. Une architecture qu’ils définissent comme « propre ». Chaque élément a ainsi sa raison d’être et le choix du matériau est alors essentiel. « L’objectif est de chercher la durabilité dans nos projets », résume l’architecte breton.
Le complexe sportif de Brézillet construit par Jean Guervilly en 1995 marque un premier jalon de cette approche. C’est un bâtiment entièrement réalisé en métal. Jean Guervilly, alors peu attiré par ce matériau, le trouve mal employé et au service de réalisations souvent très expressives. « Lors d’un voyage en Angleterre pour visiter les constructions en métal, j’ai été séduit par l’extension réalisée par Michael Hopkins à Lord’s Cricket Ground à Marylebone », se souvient-il. La façon de réaliser la peau extérieure, sobre et rigoureuse, l’inspire pour le projet : un bâtiment rectangulaire de 60 x 100 mètres, des façades en tôle d’aluminium pliée de 4 mm d’épaisseur, assemblées par emboîtement. Tout est calepiné dans le pas unitaire de le Reglit (75 cm) et les couleurs sont réduites à celle des matériaux. Jean Guervilly a choisi de porter la toiture non pas dans la plus petite portée mais dans la longueur du gymnase. Deux poutres tridimensionnelles de quatre mètres de hauteur supportent l’intégralité de la couverture. Ces éléments viennent préserver la ligne épurée de l’ensemble et en font disparaître la structure.
Il partage ce goût pour le détail minimaliste avec Françoise Mauffret, celui-ci devient alors une constante dans leur agence d’architecture. « Nous faisons du réemploi, mais du réemploi architectural » expliquent-ils. Ils déclinent et adaptent les solutions, cherchant toujours la meilleure réponse technique et spatiale, sans effet de mode. Pour le stade couvert d’athlétisme de Nantes et le complexe sportif de la ZAC du Moulon à Saclay, livré en 2022, ils reprennent ces principes : une façade lisse, une ossature métallique apparente, un volume épuré. Cette fois, le bâtiment adopte pour le stade d’athlétisme de Nantes une forme courbe, suivant le relief du site et la géométrie de la piste. Le vitrage installé en partie basse crée une relation fluide entre l’intérieur et l’extérieur, offrant une sensation d’espace et de légèreté.

de mathématiques d’Orsay © Aldo Amoretti
La lumière comme matériau
La question de la lumière est au cœur de leurs réalisations architecturales. Elle façonne les espaces et répond aux enjeux de confort et d’esthétisme. Si elle est présente dès les premiers projets, elle se développe autrement avec le projet de Brézillet qui introduit le Reglit, un verre profilé en U, sur toute la périphérie du bâtiment. La façade présente un nouveau dynamisme et une impression de légèreté. Le jour, le bâtiment diffuse une lumière douce dans les espaces ; la nuit, il s’illumine de l’intérieur, telle une lanterne urbaine.
Ce traitement de la lumière se retrouve dans de nombreux projets de l’agence. Notamment au centre sportif du Havre, où le Reglit dialogue avec les anciens docks, ainsi qu’au Palais des Sports de Toulouse, où il prend la forme d’une façade courbe, s’adaptant au paysage environnant.
Au Pôle Mère-Enfant de l’hôpital de Montreuil-sous-Bois, livré en 2012, la lumière prend une dimension plus humaine et fonctionnelle. Le projet est imaginé comme une boîte chirurgicale rectangulaire (120 x 45 mètres) surmontée d’une lande bretonne. Mais cette fois, l’innovation réside dans la manière de concevoir les façades. Celles-ci sont entièrement réalisées en volets roulants d’aluminium poli, installés non pas aux linteaux des fenêtres mais sur les appuis des fenêtres de l’étage supérieur. Le résultat est une façade en mouvement et évolutive qui s’adapte aux usages du quotidien.
Construire avec le patrimoine
Pour l’agence d’architecture, le réemploi dépasse les principes constructifs : il inclut le dialogue entre nouvelles constructions et patrimoine, avec une approche à la fois respectueuse et affirmée.
Le Centre des Congrès de Rennes, livré en 2018 dans l’ancien Couvent des Jacobins, est sans doute l’exemple le plus important de l’agence. « C’est dans la chapelle du couvent que s’est fiancée Anne de Bretagne avec le roi de France », rappellent-ils. Classé monument historique, le site imposait une intervention délicate pour intégrer au mieux une nouvelle fonction. Plutôt que de chercher une continuité entre les deux
bâtiments, Jean Guervilly et Françoise Mauffret ont assumé un contraste. « Nous aimons cette idée de construire de manière volontaire, à côté d’un bâtiment existant », racontent-ils. Dans ces vestiges, la nouvelle structure s’implante sans pastiche ni rupture brutale. Elle se détache en douceur avec une façade caractéristique en aluminium qui capte et reflète la lumière, tout en préservant un équilibre avec son environnement. La nuit, l’extension devient discrète, s’animant seulement par la tour et son écran lumineux.
C’est également lors de ce type de projet où le respect des alentours est de rigueur, que de nouvelles habitudes prennent vie et sont réutilisées sur d’autres projets. À l’image du traitement des escaliers avec leur garde-corps en tôle laquée et leurs mains courantes en inox de 20 mm de diamètre. Ce détail est repris dans le projet récent du campus Condorcet et pour le complexe sportif ZAC du Moulon à Saclay. « Lorsque nous trouvons un élément architectural qui fonctionne, nous le réemployons et nous l’adaptons sur nos projets », concluent-il.
Jean Guervilly et Françoise Mauffret conçoivent une architecture de la justesse. Ni démonstrative, ni figée, elle évolue par touches, par ajustements, au fil des projets. Sobriété, lumière et respect du contexte guident leur agence, dans une logique où chaque bâtiment trouve naturellement sa place dans le temps.
Par Louise Conesa
Visuel à la une : Complexe sportif ZAC du Moulon à Saclay © Aldo Amoretti
— Retrouvez l’article dans Archistorm 131 daté mars – avril 2025