« Ensemble » :
Un entretien avec Philipp Auer, de l’agence Auer Weber, et Kilian Stauss sur la coopération

 

En tant que représentant de l’agence d’architecture Auer Weber, j’ai été invité à m’exprimer sur un sujet de mon choix, mais aussi sur notre philosophie architecturale. Plus je réfléchis sur la manière de préparer un discours sur le thème de notre exigence architectonique ou de la responsabilité sociale que notre métier pourrait présenter, plus je doute de la pertinence d’un monologue, et ce pour une raison claire : présenté par les uns et assimilé par d’autres, cela ne correspond pas à notre façon de travailler – ni dans nos locaux, ni dans la salle de réunion avec la maîtrise d’ouvrage, ni avec nos partenaires de projet ou utilisateurs. Concevoir et construire ont une même finalité et prennent des chemins communs. La hiérarchie horizontale au sein de notre agence peut servir d’indice à cette posture. Ma place de travail en est une parmi d’autres, je suis assis au milieu de l’agence ; je fais partie des réussites, mais aussi des échecs, les stagiaires peuvent m’approcher autant que les directeurs de projet ; je ne dessine pas sur un coin de table pour imposer mes vues et avoir le dernier mot. Pour cette raison, le choix ici du dialogue qui n’est, par principe, jamais terminé, jamais hiérarchisé, des idées peuvent être développées et ont aussi le droit de n’aboutir à rien, les processus sont maintenus ouverts. J’ai fait cet entretien avec mon ami Kilian Stauss, designer, graphiste et concepteur signalétique de Munich.

École Européenne de Strasbourg, 2015, Auer Weber associé à drlw
© Aldo Amoretti

 

Killian Stauss : Comment collaborez-vous chez Auer Weber ? Comment se constituent les équipes, se répartissent les tâches, s’utilisent les potentiels ?
Philippe Auer : Chez Auer Weber, les équipes de concours peuvent et doivent se constituer d’elles-mêmes. Il règne une compétition positive au sein de chaque équipe, un concours d’idées, lié aussi à l’appel de rester « insatisfait de façon créative », un appel au courage et à l’expérience : il est toujours mieux de proposer quelque chose qui peut même sembler « bête » que d’attendre les idées des autres.  (…)

K.S. : Vous utilisez toujours la métaphore de l’horizontalité pour l’organisation de votre agence. Ce terme géométrique, mais aussi philosophique – la séparation entre ciel et terre par l’horizon – n’est certainement pas un hasard ?
P.A. : Une forme d’organisation élargie avec peu de profondeur est éprouvante, mais fertile. On peut penser comme simpliste un architecte sans dialogue ni communication trop dispersée. Alors que la coopération au sein de l’agence sans une hiérarchie marquée peut être le vivier d’un travail créatif. (…)

K.S. : Dans le village olympique de Munich, il existe aussi les foyers d’étudiants. Les bâtiments à étage de l’architecte Werner Wirsing permettent à chaque étudiant de disposer d’une – certes modeste – maison avec une porte, une boîte aux lettres, une terrasse, une vie privée. Pour s’approprier les lieux, les étudiants peuvent les repeindre à leur goût. Les services des étudiants de la ville en pourvoient les moyens.
P.A. : Cette cité fonctionne depuis plus de quarante ans, un contre-modèle à la colocation, ainsi révolutionnaire pour le logement étudiant : une sphère privée maximisée malgré une très forte densité. Je vois l’architecture comme un coup de pouce, nous ne définissons pas complètement la vie d’autrui.

K.S. : Tu penses alors qu’une revendication universelle de l’architecture est une erreur ?
P.A.
 : Oui, car la liberté ne peut pas être planifiable concrètement. En revanche, nous pouvons projeter la possibilité. Nous devons prendre conscience que l’acte de construire et donc la « ville » ne sont pas qu’une pure prestation d’ingénierie.

Quinta Monroy Housing, Iquique, Chile, 2004,
ELEMENTAL
© Cristobal Palma

Munich, janvier 2016
Traduction depuis l’allemand par Astrid Rappel

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